Durant le XIXe siècle, Méru a entretenu des relations commerciales avec Tahiti, essentiellement basées sur le commerce de la nacre, et qui ont contribué à l'essor économique des deux sites. A la fin de ce siècle, Tahiti, géographiquement et culturellement éloignée des plus importantes métropoles, apparaît aux yeux d'une Europe conquise par la modernité, comme l'image inédite d'un paradis sur terre. Matisse part pour Tahiti en 1930. Durant trois mois, l'artiste visite plusieurs îles des Tuamotu, Apataki et Fakarava. Il y trouve de nouvelles lumières et de nouvelles formes qu'il ne cessera de faire infuser jusqu'à la fin de sa vie. Même si, de son propre aveu, les souvenirs de son voyage polynésien ne lui sont revenus que quinze ans plus tard, les oeuvres réalisées dès son retour révèlent déjà l'impact considérable que sa manière de «s'imbiber des choses» aura sur le reste de son oeuvre. Dès 1931, les expériences de Matisse dans les lagons polynésiens se manifestent dans les illustrations des Poèmes de Mallarmé, où la ligne, à l'image du déploiement végétal, s'adoucit et s'enroule pour mieux révéler le blanc. A cet égard, ces dessins constituent, avec ceux du Ronsard, une étape indispensable dans la volonté de l'artiste d'extraire la quintessence des choses, démarche qu'il concrétisera dans Jazz et, de manière éclatante, dans les papiers découpés au milieu des années 1940.